Les Baobabs

Il était une fois une cabane, dans un petit bois où, tous les jours sans vent, jouaient les petits enfants. Elle était blottie au fond d’un jardin, sous un vieil arbre tout noueux, promis à être déraciné, à la prochaine alerte météo, ou pire, par un léger coup de vent. Cet arbre ne voulait pas tomber d’un simple courant d’air.

Lui, ce qu’il voulait, pour finir en beauté, c’était au moins une tempête, mieux un ouragan, un cyclone, un typhon, ou bonheur total, un tsunami.

Plus le temps passait, plus il désespérait,

Il en avait marre d’attendre, et la cabane des enfants ne l’amusait plus.

Un jour, où le vent était suffisamment puissant, et les enfants absents, il préleva sur son tronc, une branche assez longue pour lui servir de béquille, et extrayant ses racines l’une après l’autre, il se trouva prêt à partir.

Mais où aller ?

« Si je n’écris pas un mot, les enfants seront inquiets, car ils ne verront plus leur cabane, et si j’écris deux mots, les parents vont lancer des recherches, qui à l’évidence ne pourront pas aboutir, la police ne cherchant pas les arbres disparus ».

Il écrivit trois mots et prit la route, vers le sud, car il avait eu vent par un de ses amis baladeurs, d’arbres magnifiques, bien plus beaux que lui, mais ça il savait bien que c’était dit par des jaloux, pour l’embêter, et que ces arbres étaient moins magnifiques que lui. Ils avaient pour nom « baobab », il n’en savait pas plus.

Il décida ne pas mourir avant d’avoir vu un baobab !

Il marcha longtemps, prit le train, appela blablacar, fit un brin de chemin avec huber, marcha encore, tenta easyjet, mais une de ses branches ne passait pas dans la carlingue, refusa de voyager dans la soute à bagages non chauffée, il ne voulait pas attraper froid à son âge, vit un autre chêne centenaire qui allait à Venise, seul parce qu’il avait perdu sa compagne dans le métro en fonctionnement, se plier en quatre pour entrer sous le siège occupé par un gros monsieur, qu’il n’eut pas le temps de voir tant il était gros, trop long d’en faire le tour, et qui, sournois, essaya de lui subtiliser la cabane en bois qu’il portait en bandoulière.

Il arriva, à la nage, à Tombouctou… Nul baobab à l’horizon !

Il faut aller au Pays Dogon, lui dit-on, là où les femmes sont si belles que le soleil les regarde tout le temps, se levant avant lui et se couchant après son propre coucher, pour les voir, solaires et chaudes, rayonnant si fort que leur chaleur invite les voyageurs, surtout les arbres, à s’asseoir à côté d’elles pour ombrager leurs ébats…

Là, il vit non pas un, mais des milliers de baobabs qui se couchèrent devant lui, leur père à tous.

Il venait de la forêt de Tronçais, là où Louis le quatorzième fut mis en quatorzaine, revenant de la guerre contre Charles Quint, voulant éviter les virus,…

Lui, l’arbre tout noueux qui ombrageait le fond de mon jardin descendait en ligne directe de la forêt de Tronçais, là où Louis le quatorzième fut mis en quatorzaine, revenant de la guerre contre Charles Quint, voulant éviter les virus. Louis occupa si bien son temps qu’il planta des milliers de chênes, utilisés une fois grand, pour construire sa force navale et l’ossature de ses palais.

Il en avait tant qu’il en avait trop…

Il fit don de ces arbres célibataires au roi du Pays Dogon, qui en fit une forêt où les filles allaient danser le soir, et… beaucoup plus, car il eut beaucoup d’affinités… !

Ainsi naquirent les baobabs, fruits de l’amour des chênes français pour les femmes Dogons, et réciproquement…

Le chêne, le plus bel arbre du monde et les femmes Dogon, les plus belles femmes de l’univers, ne pouvaient concevoir que cette pure merveille qu’est un baobab.

Nul ne s’était revu depuis ce temps et, après la fête des retrouvailles, on fit la fête des funérailles.

Les cendres du vieil arbre tout noueux reposent en paix dans la cabane en bois, perchée quelque part dans un troglodyte Dogon…

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