Du sable dans le rétro

TUNISIE, Tozeur et Nefta, aout 1972
La piste déroulait ses kilomètres de sable blanc. La piste, aveuglante d’ivoire, droite et rectiligne, ne déviait pas d’un pouce, son index braqué sur le mirage qui s’était planté là-bas, droit devant.
La piste reculait au fur et à mesure que l’on avançait, miroir sur la ligne d’horizon, chauffé à la même couleur que le sable, nous respirions en apnée, nous faisant presque regretter les virages et la fraîcheur sardes…
Chacun attendait que le supplice se termine.
Chaque fois que l’on croisait un véhicule, half-track des sables, tracteurs à chenilles, ou monstrueux 4×4, ils nous disaient bonjour, faisait des grands signes de la main, nous klaxonnant ou nous assourdissant de leurs klaxons a dix tons, jusqu’à ce que l’un d’entre nous compris enfin !
Ce n’était pas des gestes de sympathie qu’ils nous envoyaient par-delà la poussière, mais des avertissements que l’on a compris que fort tard…
La piste était coupée. En tout cas pour les véhicules de touristes . Impossible de passer !
Que faire ? Il était bientôt midi et l’absence de nuages, mêmes sous forme de traces, associée à l’absence de toute oasis à perte de vue, nous faisaient craindre le pire… et le pire arriva !
Il était midi. Plus aucun véhicule ne roulait, plus aucun engin ne circulait, c’était la pause de midi qui dans le sud tunisien était respecté à la lettre, avec ou sans ramadan, et ne se terminait qu’à 18 heures.
Il fallait faire vite pour trouver une solution car dans moins de deux heures, tous serait brûlé, grillé, ratatiné. Quelques filles commencèrent à calfeutrer les fenêtres du car, cherchant d’abord à les fermer pour ne pas faire entrer la chaleur, y renonçant cinq minutes après, car la température intérieure du four, sans air courant, ni courants d’air, faisait exploser les thermomètres…
Si bien que 10 minutes après, tout le monde se retrouva dehors, en plein cagnard, sauf ceux ou celles qui déjà tournaient de l’œil. Quelqu’un proposa de les mettre étendu sur le sol sous le car. Refusé. Le car allait bouger. Puisque tout demi-tour était impossible, vu que les accotements n’étaient pas suffisamment stabilisés pour la longueur d’un bus, le car ferait marche arrière. Point. Et tout le monde remonta prendre sa place.
Les cinq premiers mètres suffirentpour s’arreter. Impossible de reculer en ligne droite car rien ne distinguait le sable des bas-côtés du sable de la piste ! Un souffle de panique, bien maîtrisé par certains, moins bien par d’autres, faillit se transformer en vent puissant.
Deux options s’opposaient : rester groupé où se séparer. Le premier choix fut la première option. Quelques mecs, volontaires, bientôt rejoint par presque autant de filles, descendirent du car pour se répartir en deux files indiennes, dans le sens de la marche, l’arrière devant, balisant la piste.
L’idée était bonne mais on n’avançait pas. A trois ou 4 kms/heure de moyenne, il faudrait toute l’après-midi pour rejoindre le point de départ.
Au bout d’un quart d’heure, le second choix fut adopté. Six volontaires, trois binômes, partirent avec des consignes de sécurité très strictes : de l’eau mais pas trop, trois gouttes à la fois, ne pas marcher trop vite, malgré le sentiment d’urgence, s’arrêter ou ralentir toutes les dix minutes, ne pas se séparer avant d’avoir fait la première moitié du chemin, l’essentiel pour la deuxième moitié, étant qu’un seul binôme arriva à destination, les deux autres ne devant pas s’arrêter, mais seulement ne plus courir.
Et le miracle arriva !

Le propriétaire du camping dans lequel nous avions planté nos tentes, constatant notre absence, prit son énorme jeep et vint à la rencontre du groupe de marcheurs. Ils n’avaient marché qu’une demi-heure, mais ils étaient cuits !
Ils montèrent tous les six, alors que déjà un deuxième véhicule rejoignait le premier, aussitôt suivi d’un gigantesque scrapeur des sables, capable de sortir de l’ornière n’importe quel embourbé.
Et il en arrivait de plus en plus… radio désert avait encore une fois bien fonctionné…
Chacun peut deviner l’effet produit sur ceux qui étaient restés dans ou hors du bus, par cette caravane, annoncée par un nuage de sable couvrant l’horizon, vue la vitesse à laquelle elle arrivait…
Le car accroché à l’engin de traction se remit dans le sens de la marche dès que ce fut possible. Quatorze d’entre nous passèrent la nuit à l’hôpital de Tozeur pour être réhydrater,
les autres, pas fiers mais contents d’être là, eurent droit à une réception faite pour nous, organisée par l’hôtel cinq étoiles de la ville, au bord de la piscine, avec jus de fruits à volonté et autant de transats à notre disposition qu’il y avait de volontaires pour la station couchée…
Je m’enquit auprès de LUI :
Vous avez demandé une intervention divine ?
Je n’eus pas de réponse…

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