Il était plus d’une fois, deux enfants de bon aloi.
Ils étaient pauvres, mais de bonne foi, riaient de tout, même de la loi.
Singulière réflexion qui m’étonne de toi,
Ami poète, ne le sais-tu,
Pauvres et rires sont compatibles,
Bien mieux que riches et rires…
Ces deux enfants, garçon et fille, vivaient de l’air du temps, devenu irrespirable depuis que la planète était passé en mode de réchauffement automatique, mais ils s’en moquaient bien, étant programmés pour ne pas vivre plus de 100 ans.
De plus, ils n’avaient pas du tout envie de faire des enfants, qui peupleraient la terre de peupliers ou de conifères, qu’ils couperaient à coups de tronçonneuses…
Un jour, au fin fond de la Chine, muta un virus comme on en connait tant, vif et alerte comme son géniteur, le pangolin, savait l’être.
Les chinois vivaient avec ces deux engeances depuis des milliers d’années, en bonne intelligence, chacun des trois, chinois, virus et pangolins respectant la vie de l’autre.
Un jour pourtant, les tronçonneuses prirent le pouvoir, sans que les deux enfants ne s’en rendissent compte… ils ne faisaient pas attention à ce qui se passait en dehors de leur petite ville, Mulhouse, au sud de l’Alsace, défavorisée touristiquement parlant, devant ses rivales, Strasbourg et Colmar, pour ne pas citer Riquewihr, Ribeauvillé ou Kaysersberg, mais peu importe, ils ne faisaient pas attention, c’est tout.
D’ailleurs, l’auraient-ils fait que cela n’aurait rien changé à cette histoire.
De l’autre coté de la Terre, les tronçonneuses, sans aucune vertu, s’en donnaient à cœur joie, au Brésil, en Indonésie, en Thaïlande, et personne, ne savait comment les arrêter, la police se faisant découper sur place si elle se rapprochait d’elles, n’ayant aucune autorisation de tirer…
Alors tout le monde laissait faire, surtout que ça rapportait gros !
Le teck, le garapa,ou le muiracatiara étaient exploités jusqu’à la moindre radicelle, leurs essences valant mille fois la notre, même le 95 E10, pourtant la plus rentable…
Et ce qui devait arriver arriva ! Plus de forêt, plus de bois à couper, les tronçonneuses avaient tout rati-boisé et la vertu avait perdu la partie par KO absolu.
Allaient-elles, elles, les tronçonneuses, s’attaquer aux femmes ? Ce serait un massacre !
Le lendemain, le pangolin se réveilla.
Plus rien à manger. Plus d’ombre dans la forêt. Plus de grande fête vaudou le samedi soir.
Il téléphona aux deux enfants de Mulhouse, personne.
Il laissa un message, pas de rappel.
Écrivit un email, pas de retour.
Les enfants, apprit-il plus tard, avaient un casque sur les oreilles, un joystick entre les mains et un casque d’imagerie virtuelle devant les yeux.
Bref, ils étaient coupés du monde, dans leur bulle artificielle, ne faisant pas attention à ce qui se passait autour d’eux, c’était d’ailleurs sans importance, puisque étant totalement pris en charge par la société, qui en avaient fait des assistés, qui n’avaient rien à faire, sinon attendre la fin du mois, pour toucher ce qui était devenu un droit, sans contrepartie d’un devoir.
Comment faire pour les prévenir ? Ils étaient tellement absorbés par les jeux qui se succédaient sans interruption qu’ils étaient injoignables.
Le pangolin prit les grands moyens, il décida de confiner le monde !
Il libéra un virus qu’il avait en stock…
Il fallut quatorze jours aux deux enfants pour se rendre compte que leur environnement avait changé : le virus avait envahi l’Europe, avait franchi le Rhin, sans s’arrêter à la frontière, sonnaient à la porte de tous et de chacun, il était temps qu’ils se réveillent.
Branle bas de combat ! Déclaration de guerre ! Feu sans sommation !
Les enfants sortirent de leur léthargie et appelèrent le pangolin qui expliqua la situation.
Personne de s’occupait de personne, chacun pour soi et tout pour moi, le cercle vertueux était moribond, remplacé par le cercle vicieux.
Le monde se figea, la terre s’arrêta de tourner, le soleil ne vit plus les femmes dogons, elles si solaires, et les baobabs n’avaient qu’une crainte, celle de voir arriver les tronçonneuses…
Le lendemain, elles étaient là !
Avançant plus vite qu’un PDG, pardon qu’un TGV, elles entamèrent avec vigueur leur premier baobab en guise de petit déjeuner.
La bataille entre les tronçonneuses et le virus, avec la vertu comme arbitre, commença à Mopti, à l’intérieur de la Grande Mosquée, mais les règles du jeu n’étaient pas claires, dictées par le conflit entre les religions, le terrorisme, le prix du pétrole et la parité hommes/femmes au sein des Églises.
A quand la première Pape élue à Rome ?
La revanche eut lieu à Bamyan, au cœur de l’Afghanistan, là où, pensaient les belligérants, les deux Bouddhas taillés dans la roche de la falaise, pourraient se prononcer en toute sagesse. La vertu, même légère et toute petite, comprit plus vite que le virus, qui cherche encore les statues foudroyées par les talibans, que la victoire de cette deuxième manche se jouerait à Band-i- Amir, dans les lacs ressemblants à ceux de Pamukkale, en dix fois plus beaux, car inaccessibles aux hordes de touristes occidentaux…
L’homme, cette créature, si noble et si polissonne, cet individu, si angélique et si satanique, l’homme disais-je, fit appel aux femmes et intervint au moment où on le croyait perdu à tout jamais. Il s’enveloppa de vertu…
Dans le restaurant tournant au sommet de la grande tour de Mulhouse, les hommes représentés par les deux enfants, l’animal représenté par le pangolin, et le végétal, représenté par un baobab, décrétèrent la mobilisation générale contre les deux entités, virus dévastateurs et tronçonneuses dévastatrices.
Vous dire ce qui se passa est chose impossible, car le traité signé entre les trois parties ne le mentionnait pas. Il tenait en trois lignes :
Les habitants de la planète déclaraient la paix universelle, la fraternité solidaire et la répartition des richesses en fonction des capacités de chacun, pour que tous trouvent leur place dans ce monde, y compris les règnes animal et végétal.
Les poètes avaient pris le pouvoir et ne le lâchèrent plus, jusqu’au jour où un accident de la circulation stellaire précipita le soleil et ses planètes dans un trou noir, qui se promenait un dimanche après-midi dans les rues alsaciennes, ayant comparé avec assiduité les vertus du Gewurztraminer et celles du Sylvaner !
Le soleil était arrivé en fin de vie, la Terre aussi, la vertu avait gagné, les poètes aussi…
Ceci n’est qu’utopie…
26 mars 2020