Un petit matin de printemps

La nature s’éveille dans le frais du petit matin, toute imbibée de rosée,
Une goutte perlant sur chaque feuille, humectée de douceurs.
Tout frissonne.
Les fleurs de peau s’épanouissent, hérissant les épidermes qui scintillent au soleil.
Le soleil perce la couche laiteuse d’ouate blanche,
Écrémant le ciel, bleuissant les cieux, jaunissant les ocres,
Orangeant les tons de pierre, rougissant ceux de l’air,
Domptant sous nos yeux le vert des arbres renaissants,
Tel celui de l’herbe, tendre comme le rose d’un sein,
Ou celui noir et profond du mauve de l’ombre.
La rosée est transparente, laissant passer les couleurs et reflétant celle qui l’accueille,
S’évaporant peu à peu sous les degrés de l’astre du ciel,
Envahissant de toute la puissance de ses rayons, tout l’espace de la place.
La chaleur prend sa température. Elle s’élève au fil des heures, n’ayant pour limite à son ascension
que le temps qui passe et qui l’amènera, la nuit venue, à rendre les armes pour aller réchauffer la
couche des jeunes amants…
Le tournesol en robe jaune étale ses pétales, se dresse sur sa tige si fine qu’elle plierait si la lumière
ne venait pas soutenir son effort. Il déploie ses étamines, fier de sa corolle, orientée au levant,
gorgée d’amphétamines pour suivre la courbe zénithale de l’astre solaire.
Le forsythia illumine ses branches d’un jaune à nul autre pareil, seul, bien avant les autres, n’hésitant
pas à se découvrir d’un fil avant avril. Ni la primevère pourtant bien nommée car toujours la
première, ni le crocus blanc pastellisé de citron ou d’orange, ni le perce-neige immuable
d’immaculée blancheur, ni le magnolia déclinant les sept couleurs de l’arc en ciel, ne rivalisent avec
lui, qui épuisé par l’effort devient, un présumé beau matin, un arbuste quelconque recouvert de
feuilles sans distinction. Malgré tout, chaque année, il se réveille avant la fin de l'hiver, damant le
pion aux belles jonquilles qui accusent du retard à l’éclosion printanière.
Seul le mimosa lui tient tête, sa dragée haute célébrée avant même les célébrations des fêtes
pascales par des carnavals aux trois coins de l’hexagone, l’Alsace, l’ile Oléron et les somptueuses
effervescences de Bormes les mimosas… les chars débordants de jaune, croulants de vert, saturés de
bleu méditerranéen.
Le petit matin cède la place à une longue journée ensoleillée, qui prend tout son temps, qui étire ce
temps chaque jour un peu plus, jusqu’aux fêtes de St Jean. Là, nous ayant rassasié de nature, nous
surprenant à chaque fois de son éternel renouvellement, le printemps fatigué mais heureux part de
l’autre côté de la Terre, attendre le moment de celui du second hémisphère de notre biosphère.

A la manière de Sicaud

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