Afghanistan

Foutue envie de voyager,
Quand tu nous tires par les pieds,
Tu nous emmènes au bout du monde,
Voir si la terre est toujours ronde.

En mille neuf cent soixante treize,
Nous étions 20, vingt ans de braise,
Nous en rêvions depuis longtemps,
Destination Afghanistan.

M’arrêterais-je en cours de route,
Pour vous conter quels furent nos doutes,
Quand à Kaboul nous fumes en panne ?
Transport local jusqu’à Bamyan !

Dans les montagnes se cachaient,
Je dois parler à l’imparfait,
Grandeur du Khan, en ses études,
Bouddhas debout, deux majuscules !

Hommes en folie à un point tel,
C’est contre eux-mêmes, qu’ils sont rebelles.
Face aux anciens, face aux géants,
N’ont pas la taille, les talibans.

Est-ce de ma part autre folie,
D’écrire des vers, fussent-ils jolis ?
C’est devant tant d’ignominie,
Que mon stylo pousse des cris…

5 mai 2017

Je me souviens…

Je me souviens de Moscou, du Bolchoï et du Lac des Cygnes.
Je me souviens du Maroc, de ta valise métallique contenant un autel de poche, et des messes que tu disais, seul, au lever du soleil, pour ne rien imposer à personne.
Je me souviens du Vieux Moulin, où tu m’as offert, gratis, le gite et le couvert, à condition de ne pas trop le dire en public! Nous étions nombreux dans ce cas là
Je me souviens de Leningrad, du temps où on l’appelait ainsi, et d’une chenille qui redémarre, à cloche-pied sur le trottoir, toi devant, une glace à la main…
Je me souviens de « A Turku ce soir », … et de la valise oubliée !
Je me souviens que tu m’as donné ma chance : Chef de groupe des Scouts et des Guides. Pour moi, ce fut la… découverte du possible
Je me souviens de la salle Lacordaire, et des fêtes de groupe où on jouait « la Fesse du pion » pardon, la pièce du fond…
Je me souviens de Djerba et d’une mémorable engueulade pour savoir qui devait remplir les jerricans d’eau. J’avais raison, faut pas toujours les mêmes pour les corvées… Mais non, c’est toi qui as raison, c’est bien toujours …
JMS de Matmata… et des choses qu’on ne raconte pas
JMS de Kaboul et des quarante douze formulaires nécessaires pour récupérer une malheureuse pompe à eau, que tu as signé d’abord ‘Santamaria’, puis ‘santamarre’, enfin ’santamer…’
JMS des lacs de Bandyamir et des Bouddhas de Bamyan, avant que le ciel ne devienne fou…
JMS de la frontière… irano-turque, où ils démontèrent le car à la recherche, vaine, de substances hallucinogènes
JMS de la frontière… sovieto-finlandaise, où ils démontèrent le car à la recherche, fructueuse, de liasses de billets. On est sorti de ce guet-apens avec une interdiction de séjour de 10 ans en URSS et plus un sou en caisse…
JMS du Chinaillon, des fondues pour 40, de la N nième diffusion de West Side Story, des soirées ‘guitare’ : Debout les gars, Ce soir à la Brune, C’est un petit bonheur…ou par toi himself : ‘la mère Pitavet au Grand Thiatre de St Etienne’
Je me souviens d’une cheftaine de jeannette… ma femme depuis 38 ans
Je me souviens que tu as baptisé nos enfants et dans la foulée, tu les as mariés
JMS du Plateau d’Assy, quand tu faisais visiter l’église, que dis-je ‘faisais’, quand tu fais visiter l’église : www.ina.fr vidéo église assy. Une véritable pépite…
JMS d’Eveux et de son couvent, que tu aimais si fort, que tu mis le feu à ta cellule…
JMS de 2004, ici, de tes 80 ans et des 600 personnes qui t’ont rendu hommage
JMS de Poitiers, où, à un âge à te canoniser, tu officiais encore le dimanche, dans un village perdu, où l’on a fini par te retrouver
JMS de St Etienne, où tu nous as dit au-revoir, le 18 décembre dernier…

Je me souviens de tout, je me souviens de toi…
Toi que je tutoie pour la première fois,
Depuis si tant de temps, on partage le temps
Je voulais juste te dire… merci

25 janvier 2014

A toi Santa

En 1965, j’avais 16 ans, nous étions en partance pour la Pologne…

Mais peu importe, ce n’est pas de moi que je veux te parler.
Mais de tous ceux qui s’expriment à travers moi.
Tous ceux à qui tu as fait du bien
Tous ceux à qui tu fais du chagrin
Tous ceux qui veulent te disent merci
Tous ceux pour qui tu étais un ami.
Aujourd’hui, tu n’appartiens plus à personne, tu appartiens à tous.
Chacun, chacune, ici présent, emmènera avec lui, un petit bout de toi.
Un peu de chaleur, de fou rire, d’engueulade, de confiance, d’écoute, de partage, d’exemple, de conscience…
Car tu étais tout ça à la fois, et tu nous laisse tout ça à nous partager
Moi, perso, je te dois… la découverte du possible…

Il y a dix ans, pour tes 80 ans, quand on te disait qu’avec un volant tu nous emmènerais au bout du monde, tu répondais que ce serait plutôt dans l’autre monde.
Tu as pris la route, seul, pour rejoindre tous ceux qui y sont déjà, et nous attendre, nous… pas pressés, mais pas pressés du tout, de t’y rejoindre un jour…

TOI
Toi, qui étais notre ami
Toi, qui changeas bien des vies
Toi, pour qui nous sommes ici,
Toi, qui nous as tant appris,
Toi, qui partageas notre vie
Toi, qui ne connaitras pas l’oubli.
Toi, à qui on dit MERCI.
Fier de t’avoir connu,
Fier de nos souvenirs.
A travers eux, tu ris !
A travers nous, tu vis !

18 décembre 2013

Évocation

La nuit, bleutée, déroule ses kilomètres,
La route, domptée, a reconnu son maître.
Le dos, collé, au siège conducteur,
Les mains, doigtées, jouent du ralentisseur,
Les yeux, rivés, sur la prochaine frontière,
La clope, vissée, à la commissure des lèvres.

Et nous, bercés, par le roulis roula
A peine lassés, par ton prêchi prêcha,
Pouvant rêver… chacun à sa chacune,
Émerveillés par une quelconque lune.

Souvenir du blé, fauché, au pays des soviets,
De l’Afgha, beauté, avant d’être mise en miettes,
Du Vieux Moulin, enneigé, prêt à recommencer,
Ou d’un ailleurs, enchanté,
A vous d’imaginer…

Du sucre dans le carbu

ISTANBUL, août 1973

Nous venions de passer la journée à visiter Istanbul, de la Mosquée Bleue à Sainte Sophie.
Nous revenions guillerets, vers la place du centre-ville où se trouvait le bus de Santa.
Tout le monde est là ? On se compte !
Tout en égrenant son numéro, chacun et chacune commentait sa journée, plus dithyrambiques les uns que les autres.
Teuf teuf faisait le moteur, tchoutoutout faisait le démarreur, bsimbsimsin patinait la courroie qui joignait l’un à autre, crotte de pique, pestait Santa assis face au volant, les pieds sur les pédales et la main droite tirant sur la clé de contact. Rien, quedal, le moteur ne voulait rien savoir !
Santa coupa le contact, descendit du car, ouvrit le capot et commença à faire le tour du moteur, élément après élément, tuyau après tuyau, durite après durite… tout était normal !
Jusqu’à ce qu’il se penche sur le carburateur : pas la moindre goutte de gasoil n’alimentait ce dévoreur de carburant, panne sèche !
Impossible, dit Santa, je viens de faire le plein, il n’y a pas cinq minutes et je suis sûr d’avoir mis du gasoil ! Réminiscence d’une autre histoire vécue en Pologne en 1965.
À la station, des gamins désœuvrés nous avaient tourné autour pendant que Pierrot faisait le plein, certains étaient accueillants, mais d’autres paraissaient beaucoup moins sympathiques. Ils nous regardaient avec la jalousie de ceux qui ont perdu le fil de leur propre vie…
Santa referma le carburateur et se dirigea vers l’arrière du car où se trouvait le réservoir : Plus d’alimentation de la pompe à essence, aussi nommé dans ce cas pompe à carburant. Plus de doute, on avait siphonné le réservoir ! Mais non, le plein était toujours là. Pas une goutte ne manquait, toutes étaient présentes à l’appel.
Santa se muni d’un long bâton qu’il introduisit jusqu’à la garde dans le réservoir. Il sentit des choses, du solide, qui n’avait rien à faire au fond du réservoir, et à la 14e tentative, il remonta… un morceau de sucre !
Impossible de rouler avec du gasoil sucré…
Tout le monde ressortit du car, muni d’un chapeau, de lunettes de soleil, d’un ou deux bouquins, bons ou mauvais, d’un jeu de cartes ou de tarot, de magazines déjà lu trois fois…
Bref, tout le nécessaire indispensable à celui qui veut tuer le temps, même s’il n’est pas d’accord, mais que faire d’autres qu’attendre !
Impossible d’intervenir sans démonter le réservoir, car bien entendu les morceaux de sucre reposaient au fond, là où un bras aussi long soit-il, ne pouvait pas les atteindre. On procéda à l’examen des mains, des poignets, des avant-bras, des coudes, bref on chercha et on trouva la demoiselle qui avait le bras assez long et assez fin pour, une fois le réservoir démonté et retourné, qu’elle puisse aller chercher un par un, ces foutus morceaux de sucre.
Elle en remonta un kilo !
Le temps de nettoyer, de remonter, de vérifier la bonne alimentation en gasoil, de déboucher ce qui était obstrué par du sucre, non miscible au carburant, donc non soluble, et l’après midi était passée…
Merci les Stambouliotes

Du sable dans le rétro

TUNISIE, Tozeur et Nefta, aout 1972
La piste déroulait ses kilomètres de sable blanc. La piste, aveuglante d’ivoire, droite et rectiligne, ne déviait pas d’un pouce, son index braqué sur le mirage qui s’était planté là-bas, droit devant.
La piste reculait au fur et à mesure que l’on avançait, miroir sur la ligne d’horizon, chauffé à la même couleur que le sable, nous respirions en apnée, nous faisant presque regretter les virages et la fraîcheur sardes…
Chacun attendait que le supplice se termine.
Chaque fois que l’on croisait un véhicule, half-track des sables, tracteurs à chenilles, ou monstrueux 4×4, ils nous disaient bonjour, faisait des grands signes de la main, nous klaxonnant ou nous assourdissant de leurs klaxons a dix tons, jusqu’à ce que l’un d’entre nous compris enfin !
Ce n’était pas des gestes de sympathie qu’ils nous envoyaient par-delà la poussière, mais des avertissements que l’on a compris que fort tard…
La piste était coupée. En tout cas pour les véhicules de touristes . Impossible de passer !
Que faire ? Il était bientôt midi et l’absence de nuages, mêmes sous forme de traces, associée à l’absence de toute oasis à perte de vue, nous faisaient craindre le pire… et le pire arriva !
Il était midi. Plus aucun véhicule ne roulait, plus aucun engin ne circulait, c’était la pause de midi qui dans le sud tunisien était respecté à la lettre, avec ou sans ramadan, et ne se terminait qu’à 18 heures.
Il fallait faire vite pour trouver une solution car dans moins de deux heures, tous serait brûlé, grillé, ratatiné. Quelques filles commencèrent à calfeutrer les fenêtres du car, cherchant d’abord à les fermer pour ne pas faire entrer la chaleur, y renonçant cinq minutes après, car la température intérieure du four, sans air courant, ni courants d’air, faisait exploser les thermomètres…
Si bien que 10 minutes après, tout le monde se retrouva dehors, en plein cagnard, sauf ceux ou celles qui déjà tournaient de l’œil. Quelqu’un proposa de les mettre étendu sur le sol sous le car. Refusé. Le car allait bouger. Puisque tout demi-tour était impossible, vu que les accotements n’étaient pas suffisamment stabilisés pour la longueur d’un bus, le car ferait marche arrière. Point. Et tout le monde remonta prendre sa place.
Les cinq premiers mètres suffirentpour s’arreter. Impossible de reculer en ligne droite car rien ne distinguait le sable des bas-côtés du sable de la piste ! Un souffle de panique, bien maîtrisé par certains, moins bien par d’autres, faillit se transformer en vent puissant.
Deux options s’opposaient : rester groupé où se séparer. Le premier choix fut la première option. Quelques mecs, volontaires, bientôt rejoint par presque autant de filles, descendirent du car pour se répartir en deux files indiennes, dans le sens de la marche, l’arrière devant, balisant la piste.
L’idée était bonne mais on n’avançait pas. A trois ou 4 kms/heure de moyenne, il faudrait toute l’après-midi pour rejoindre le point de départ.
Au bout d’un quart d’heure, le second choix fut adopté. Six volontaires, trois binômes, partirent avec des consignes de sécurité très strictes : de l’eau mais pas trop, trois gouttes à la fois, ne pas marcher trop vite, malgré le sentiment d’urgence, s’arrêter ou ralentir toutes les dix minutes, ne pas se séparer avant d’avoir fait la première moitié du chemin, l’essentiel pour la deuxième moitié, étant qu’un seul binôme arriva à destination, les deux autres ne devant pas s’arrêter, mais seulement ne plus courir.
Et le miracle arriva !

Le propriétaire du camping dans lequel nous avions planté nos tentes, constatant notre absence, prit son énorme jeep et vint à la rencontre du groupe de marcheurs. Ils n’avaient marché qu’une demi-heure, mais ils étaient cuits !
Ils montèrent tous les six, alors que déjà un deuxième véhicule rejoignait le premier, aussitôt suivi d’un gigantesque scrapeur des sables, capable de sortir de l’ornière n’importe quel embourbé.
Et il en arrivait de plus en plus… radio désert avait encore une fois bien fonctionné…
Chacun peut deviner l’effet produit sur ceux qui étaient restés dans ou hors du bus, par cette caravane, annoncée par un nuage de sable couvrant l’horizon, vue la vitesse à laquelle elle arrivait…
Le car accroché à l’engin de traction se remit dans le sens de la marche dès que ce fut possible. Quatorze d’entre nous passèrent la nuit à l’hôpital de Tozeur pour être réhydrater,
les autres, pas fiers mais contents d’être là, eurent droit à une réception faite pour nous, organisée par l’hôtel cinq étoiles de la ville, au bord de la piscine, avec jus de fruits à volonté et autant de transats à notre disposition qu’il y avait de volontaires pour la station couchée…
Je m’enquit auprès de LUI :
Vous avez demandé une intervention divine ?
Je n’eus pas de réponse…

Du Nutella dans le ravin

SARDAIGNE, Juillet 1970

Le car se torturait sur des routes tortueuses.
La Sardaigne déroulait ses paysages méditerranéens, ses plaines inexistantes, ses montagnes omniprésentes.
Le volant entre des mains expertes valsait d’un virage à l’autre, d’un virage qui faisait grincer les pneumatiques à un autre qui faisait danser les amortisseurs, un autre encore provoquait sur le buste des passagers un mouvement de droite à gauche, puis de gauche à droite, on se serait cru sur les chevaux à bascule de la fête foraine.
Après tout ça, on n’avait pas fait cent mètre.

Santa arrêta le car sur le bas-côté et prononça les paroles que tout le monde attendait : impossible de de manger ou boire sur une route pareille, donc tant pis pour le temps qui passe et le retard qui s’accumule, on fait la pause goûter maintenant.
Des cris enthousiastes approuvèrent cette décision et Marcel descendit du car, ouvrit la remorque, attrapa le Nutella et quelques autres babioles, referma la bâche qui couvrait cette ingénieuse cantine ambulante, et ses provisions gérées on ne peut mieux par l’intendant en chef, plus connu sous le nom de Marcel.
Pas le temps de descendre du car pour faire la pause et se dérouiller les gambettes, le goûter ne pouvait pas durer plus de cinq minutes, après, ce serait à chacun de se débrouiller pour que les substances qu’il avait encore entre les mains, terminent bien leur course dans leur palais buccal plutôt qu’à côté, ce qui par expérience aboutissait à une moyenne quasi constante de 50/50.
Le Nutella parti du fond du car, en taille collectivité, avait du mal à se frayer un chemin vers l’avant, arrêté qu’il était par des bras qui se tendaient ou des mains qui le kidnappaient !
Petit à petit, rangée par rangée, chacun en prenant le minimum pour que tout le monde puisse en avoir, Marcel l’économe, plus connu sous son prénom, n’avait pris qu’un pot, il avançait…
Il était de plus en plus évident qu’il n’atteindrait pas les sièges de l’avant ! C’est alors que le silence se fit.
Santa réclamait le pot de Nutella !
Quoi ? Qui ? Comment ? Santa ne mange pas de Nutella que l’on sache… D’ailleurs , il ne goutait pas, jamais ! De mémoires de passagers, on n’avait jamais vu Santa demander ne serait-ce qu’une petite cuillère de cette divine pâte à tartiner !
Marcel qui était assis à l’avant à côté de Santa, se leva, remonta l’allée centrale,, pris le pot de Nutella, disant en s’excusant « c’est pour une
urgence », fit demi-tour, remonta l’allée centrale en sens inverse, et sans se poser de questions, ne réfléchissant pas aux conséquences de son geste, qui d’ailleurs aurait pu les imaginer, tendit le pot de ce délicieux nectar à Santa.
C’est alors que l’incroyable se produisit, que l’impensable arriva, que l’imprévisible fut…,
D’un mouvement ample, rapide et précis, passa le pot de sa main gauche à sa main droite et d’un geste fier et altier, il balança le pot de Nutella par la fenêtre !!!
Le silence se fit. Le silence s’épaissit. Le silence se finit.
Une véritable bronca se déchaîna ! Marcel descendit du car, mais il ne fit que constater ce que ses yeux avaient vu, le pot avait bien traversé la route, franchi le parapet de pierres sèches, et roulé, fracassé, dans le ravin qui longeait la route…
Mais pourquoi ? Qu’est-ce qu’il vous avait fait ce pot ? C’est la fatigue, Santa ? On vous interne à
l’hôpital psychiatrique le plus proche ou on attend d’être revenu à Lyon ?
Santa, raide comme un manche à balai, fier de lui, très fier de lui, très très fier de lui, tourna la clé du démarreur et recommença de valser avec son volant, ses tournants, ses tourments…
Jamais on ne sut pourquoi !
Jamais il ne s’expliqua !
Jamais il n’en reparla !
La vente des pots de Nutella explosa…