Pense à l’offrir

Toi qui n’es pas de ces manants,
Errant, mendiant, souffrant, migrant,
Si tu n’ fais rien de ton bonheur,
Pense à l’offrir à d’autres cœurs.

Toi si tu peux, boursicotant,
Dormir en paix, en engrangeant,
Si tu n’ fais rien de ton argent,
Pense à l’offrir à d’autres gens.

Toi qui toujours, claquemuré,
Entre tes murs, propriété,
Si tu n’ fais rien de ta santé
Pense à l’offrir aux moins-biens nés.

Toi qui jamais n’entends le son,
Ni des gamelles, ni des canons,
Si tu entends celui des rires,
Pense à l’offrir, donne le sourire.

Toi qui a tant et tant d’amis,
Et du soleil toute ta vie,
Si tu n’fais rien avec ton ombre,
Pense à l’offrir à ceux qui sombrent.

Toi, pour finir, écoute encore,
Bonheur donné, réjouis fort,
Si tu le fais sans garantie,
Pense à l’offrir, le multiplie…

janvier 2017

J’ai un jour posé mon sac

J’ai un jour posé mon sac, près de toi ma brune,
Et ne l’ai jamais repris, même les nuits de pleine lune.
J’ai vu pousser mes racines, profondément ancrées,
Les typhons de la vie, leurs vents s’y sont cassés.

J’ai fais mille fois le tour du bout de tout,
Suis passé aux mille coins de la Ronde, partout.
J’ai fait mille rencontres, j’ai vu mille lumières,
Ébloui par mille princesses, n’ai jamais donné ma main.

Un jour, rompant la solitude, tu es passée,
Tu ne voulais pas déranger, juste m’accompagner
Faire un bout de route… mais mon sac ai posé,
Il est resté tel qu’il était, je ne l’ai plus regardé.

Fermé sur les souvenirs d’une époque passée,
Libre d’en construire une autre, et pour seule boussole,
Comme seul destin, le festin de la vie, du câlin du matin,
Au soir du temps qui passe, une vie, la notre, est passée.

22 avril 2020

Un dimanche à la campagne

 

L’hôte de ces lieux est déjà au bout de son râteau,
L’herbe devant son grand âge, se laisse faire, roulée dans un sens, palpée dans l’autre, massée et ramassée, fourchée en bottes, à coup de fourches, à coup de bottes.
Le bruit saccadé d’un sécateur métronome taille la futaie, rabat les ébats du printemps.
Un voisin replace des tuiles sur son toit, il est pressé, le soleil ne lui pardonnera pas qu’il déborde la limite des heures matinales.
L’hôtesse de ce lieu a le plaisir de dire qu’elle aime et apprécie ces dimanches à la campagne, au milieu de sa descendance.
Du fond de l’air, monte le rire des enfants. Sur une chaise allongée, ma plume vagabonde.
Le bruit saccadé d’un sécateur rythme le concert offert par le peuple de l’air qui, pour ne pas s’assommer contre la chaleur montante, ouvre ses ailes à l’astre brûlant et les referme sur l’ombre apaisante.
Le soleil ne pardonne plus, il tape de partout, sans répit ni distinction, sur ce qui bouge, sur ceux qui n’ont rien demandé, sur ma plume déliquescente.
Un coup, deux coups, dix coups, la cloche sursaute du clocher et martèle le tambour de nos tympans. Elle donne le temps qui passe, oubliant son devoir initial d’appeler à l’office dominical.
Le bruit saccadé du sécateur ne saccade plus, remplacé par le silence de l’eau qui s’écoule du bout des mains de celle qui pistole les rosiers.
Le soleil veut régner en maître, seul et sans témoin. La journée sera brûlante, ma plume se résigne.
La compagnie se réfugie sur l’herbe ombragée par la voûte d’un tilleul absorbant la chaleur et distillant la fraîcheur.
Ombre et soleil, duo magique, l’une ne peut se passer de l’autre. Elle, créée par lui, apparaît quand il se montre, disparaît quand il se cache. Plus sa chaleur se précise, plus elle est précieuse.
Elle ne se déplace pas sans lui, elle sait qu’à la fin du jour, c’est elle qui gagnera, toujours !
Dans un ciel sans nuages, d’un bleu plus bleu que le bleu ciel, une trace blanche, moutonnante et immobile, souligne le son d’un avion à réaction, venant de mon enfance et disparaissant au bout de l’horizon.
L’est où l’avion ? Parti !
Emmenant cette journée dans le grand voyage du temps… Restera la trace du souvenir d’un dimanche à la campagne…

 Juin 2018

 

Mon frère

Dix ans d’écart que jamais rien ne combla,
Toi, petit dernier, même pas gâté,
Adolescent, face à l’inaccessible.
      Toi, qui pour partir, m’as attendu.
Sitôt marié, au bras d’elle et elle à ton bras,
Cet océan entre nous, irrépressible,
Tel le rhum banane de là-bas.
      Toi, qui pour partir, m’as attendu.
Pour partager au moins une heure,
Celle que jamais je n’oublierai,
Effaçant les autres où je n’étais pas là.
      Toi, qui pour partir, m’as attendu,
Trois jours suspendus aux ailes d’un avion
J’aurais pu… j’aurais du… tant de choses…
Pour ça au moins, nous étions ensemble…
      Toi, qui pour partir, m’as attendu,
Je t’ai promis sur ton dernier lit,
De tes enfants réussir leurs vies,
Mais un père ne se remplace pas.
      Toi, qui pour partir, m’as attendu,
Si ton absence ne s’oublie pas,
Ta présence fait bien mieux que moi.
Ton fils, ta fille, adultes sont devenus.
      Toi, qui pour partir, m’as attendu.
Je ne désarme pas car rien jamais ne finit,
Mais ils ont grandi, d’âge et de sagesse,
Grâce à une femme, ta femme, leur mère…

Ton frère

A Nathan, Arno, Romane, Lucie, Noé, Sacha et les autres…

Il y a des mots doux,
Il y a des mots durs.
Ceux qu’on murmure dans le cou,
Ceux qu’on reçoit en pleine figure.
La vie, comme l’amour, peut être cool,
Mais rien jamais n’est vraiment sûr.
Tout dépend de toi et tu dépends des autres.
Seule ta volonté peut influer le cours des choses.
Ne te laisse jamais rien imposer par d’autres,
Qui ne soit pas ce que tu oses.
Certains appellent destin ce qui est vôtre,
Construit jour après jour, sans relâche ni pause,
Et si d’aventure, cela ne tourne plus rond,
Sache ne pas t’obstiner, c’est de grande sagesse.
Persévérer, c’est tenter d’autres solutions,
Qui permettent d’aboutir et de faire la fête.
Pour toi et pour ceux qui, avec admiration,
Sans le dire, te suivent : ils guettent ta quête.
Soyez forts pour les autres,
Soyez fiers de vous,
Soyez de ceux qui méritent confiance.

Grand Pa

Évocation

La nuit, bleutée, déroule ses kilomètres,
La route, domptée, a reconnu son maître.
Le dos, collé, au siège conducteur,
Les mains, doigtées, jouent du ralentisseur,
Les yeux, rivés, sur la prochaine frontière,
La clope, vissée, à la commissure des lèvres.

Et nous, bercés, par le roulis roula
A peine lassés, par ton prêchi prêcha,
Pouvant rêver… chacun à sa chacune,
Émerveillés par une quelconque lune.

Souvenir du blé, fauché, au pays des soviets,
De l’Afgha, beauté, avant d’être mise en miettes,
Du Vieux Moulin, enneigé, prêt à recommencer,
Ou d’un ailleurs, enchanté,
A vous d’imaginer…