Il était une fois le virus

Grand comme rien du tout, tellement petit qu’on ne pouvait le voir, quelques A° peut-être,
mais qui avait grand appétit.
Il ne se préoccupait pas de sa taille ou de son poids, s’il avait chaud ou s’il avait froid, s’il
avait assez dormi, ou si son compte en banque était approvisionné, ni de débattre sur l’air
du temps, ce en quoi il avait tort, car c’était vrai que le fond de l’air était frais…
Il vivait, avançait, laissant derrière lui un gout de cendres.
On le repoussait d’un côté, il proliférait de l’autre.
On confinait sa nourriture dans des boites carrées, cages à poules ou cages à lapins, les
lapins courant après le cul des poules et les poules titillant la queue des lapins… 

Je m’égare !

Le virus ne se souciait que d’une seule chose, manger, et il était prêt à muter s’il le fallait,
quitte à disparaitre pour mieux renaitre, ailleurs ou là-bas, maintenant ou après, surgissant
là où on ne l’attendait pas, renaissant tel un phénix, sur les cendres qu’il avait lui-même
semé…
On le prit d’abord de haut, pensant qu’un masque suffirait pour l’empêcher de nuire,
patatras, on n’avait pas de masques ! ensuite on crut au pouvoir chamanique d’un
personnage à barbe blanche, qui creusa tellement le trou de la sécu qu’il tomba dedans !
puis les anglais suivi par les américains, d’habitude c’est l’inverse mais là on avait à faire à
Donald ce qui ne facilitait pas le travail et à Trump ce qui procurait une abondance de
nourriture, jusqu’à ce un autre plus vieux mais plus intelligent, ce qui n’était à vrai dire pas
difficile…

Je m’égare !

Le virus muta en en Afrique du Sud qui voulut nous faire perdre le Nord, ce qui faillit arriver
lors du carnaval de Rio, où tout le monde est à l’Ouest, caché qu’il était par les
déguisements ou au contraire par leurs absences, de toute façon il était invisible, ayant
traversé l’Atlantique, le Pacifique ne lui fit plus peur, il atterrit à l’Est, en Inde d’où il rejoignit
son point de départ, le fin fond du fond chinois où on ne l’attendait plus…

Je ne m’égare pas !

Je l’ai retrouvé, préparant une riposte à la vaccination, arme fatale qui faillit le mettre bas.
Il attend son heure tapi dans une quatrième vague…

Au milieu de la nuit, il a vu le jour

Au milieu de tant de bruit, et autant de fureur, un petit-enfant nous est né.
Au milieu de la nuit, il a vu le jour, frappé de stupeur devant ce monde émietté.

Sombres ou heureuses perspectives, il porte notre avenir,
Du futur qu’il représente pour notre planète, il faut se réjouir.

Quand le terrorisme le dispute aux confinements, quand le virus invisible à nos yeux, terrasse le vivant incapable de vivre ensemble.

Quand la liberté de penser, d’écrire, d’enseigner, de croire, de vivre, est combattue de toutes parts, dans les écoles, dans les basiliques, dans les rues.

Quand la fraternité, source de répartition, de solidarité, d’entraide, est malmenée de partout, ici ou là, ici et là, quand le chacun pour soi règne en maître.

Quand l’égalité n’est qu’un vœu pieu, improbable attente d’une vieille révolution, qu’il faut continuer d’entretenir pour croire aux valeurs humaines.

Illusion d’une vie assistée, berceuse de notre déliquescence.
Avons-nous besoin d’un cataclysme humain pour retrouver… le goût de vivre ?
Il nous reste la confiance en l’homme.
Elle progresse…
Trois pas en avant, deux pas en arrière, un pas sur le côté, un pas d’l’autre côté.
Les poètes vous le diront : tout finit par une chanson…

Octobre 2020

Il était une fois le silence

Non pas celui des grands fonds marins,
Non pas celui des sommets alpins,
Non pas celui à six pieds sous terre,
Non pas celui du vide planétaire,

    Mais celui d’aujourd’hui,
    Tout en coton blanc,
    Tout en ouate douce,
    Tout en soie légère.

En plein centre ville, silence
Au cœur de nos maisons, silence
Dans tous les zénith de France, silence
Celui du soleil passe à midi… silence.

Silence pour les avions dans le ciel,
Silence pour les camions dans nos oreilles,
léger, aérien, déjà passé, le temps passe.

    Passe, passant, tout est passé…

Sauf toi qui fait du bruit dans mon cœur,
Sauf toi qui résonne dans ma tête,
Sauf toi qui du silence fait une fête bruyante,
Sauf toi qui ne passera jamais…

2 avril 2020

 

20h pile

Il se réveilla, ouvrit les yeux.
La chambre ne lui rappelait rien.
Où était-il ? Petit à petit, la mémoire lui revenait.
Il se rappela l’hommage du soir, il regarda la femme qui le regardait…

20 h. Pile.

Les mains commencent à se battre, les unes contre les autres.
Quand la droite parait avoir gagné, la gauche lui montre qu’elle peut mieux faire…
Ensemble, elles font du bruit, beaucoup de bruit, de plus en plus de bruit, chaque fenêtre, chaque soir, chaque rue, chaque ville, chaque bourgade, chaque pays, chaque patrie…

Et dans ces millions de gens, ils se sont vus…

Uniques, son sourire, ses yeux, ses mains qui rendent hommage aux soignants, les soignants de tous, puisqu’ils soignent tout le monde, qui ne font que leur métier, certes, mais tellement bien, si généreusement bien, sachant bien combien ils sont exposés… chaque jour est un jour de courage !

A qui souriait-elle ? A une autre fenêtre que la sienne ?

20h05

Une pensée lui vrilla la tête. Cet instant allait-t-il s’arrêter ? Là, maintenant, tout de suite.
Non. Une guitare égrène quelques notes légères, on dirait une fugue, oui, c’est elle, le Prélude de Bach en Ut majeur, célébrée par Maxime Le Forestier, un piano fait une timide apparition, prend un peu d’ampleur, augmente son volume, emplit l’espace, soutenu par deux ou trois batteries de cuisine, un vrai bruit de casseroles annihilant les efforts du guitariste pour rester audible, bientôt vengé par deux guitares électriques saturant les oreilles de la rue…

A-t-il rêvé ? Ce sourire lui était-il adressé ?

20h10

Elle est encore là, souriante toujours, regardant à droite, puis à gauche, jamais en face,
Qu’a-t-il fait pour mériter un tel sort ? Son regard, lui, ne varie pas et il ne sait même plus d’où viennent toutes ces notes, de quels instruments sortent ces mélodies, d’où provient le staccato des mains qui commence à faiblir, de plus en plus fortement…

Ce petit signe de la main, c’est pour lui ? Comment en être sûr ?

20h15

Les fenêtres se taisent les unes après les autres. Les casseroles réintègrent leurs cuisines, sans doute sont-elles de corvées de patates ou d’autres légumes pour la soupe du soir, les batteries de cuisine font de même, les guitares électriques sont débranchées, le piano continue, seul, à tenir tête à la guitare sèche, qui reprend pour la quarante douzième fois la même fugue, celle de Bach, on croirait entendre Le Forestier… mais ce n’est pas le moment de conter fleurette !

Elle ne bouge pas et il n’ose bouger.

20h20

Les unes après les autres, les fenêtres se ferment, les mains ont mal aux mains, la rue retrouve son calme et ce silence si particulier de cette période de confinement, pas de voitures et leurs moteurs vrombissants, pas de piétons et leurs bruits de pas, pas d’enfants et leurs cris de joie. Même le vent dans les arbres fait moins de bruit, il traverse la ville en retenant son souffle qui se fait caresse, il prend soin de ne pas suivre les couloirs de vent, ceux qui font grand bruit au point de faire peur aux petits enfants. Il se fait joyeux telle une brise du soir, légère comme une fugue, celle du prélude…

Et soudain, elle disparait, sans un mot, sans un geste.

20h25

Derrière lui, la télévision a repris son lancinant chapelet du soir, le corona, le covid , l’Italie, l’Espagne, la Chine, les États-Unis, des chiffres qui pourraient être dix fois plus élevés que personne ne bougerait, personne ne sachant s’il faut bouger ou rester immobile, la sempiternelle question de la chloroquine déchaine les chaines de télé, un professeur pointu contre un spécialiste de pointe, les EHPAD essayent de ralentir l’ampleur de la catastrophe, le directeur de la santé essaye de faire passer les mauvaises nouvelles, prêchant le pire pour ne pas avoir à l’annoncer quelques jours plus tard…et les soignants, admirables, héroïques, inattendus, magnifiques !

Elle est revenue et la vie se fait belle.

20h30

Son sourire est sur le bord de ses lèvres, elle le regarde droit dans les yeux, il devine les siens, bleu, malgré la pénombre qui s’installe en douceur, propice aux confidences, ses traits qui se floutent au moment où il les sculpte dans sa mémoire, ses cheveux libres comme le vent, qui ne souffle plus de peur de déranger, il ose dire ‘bonsoir’ si timidement qu’elle lui dit ‘comment’ si timidement qu’il lui dit ‘comment’ si timidement qu’un grand éclat de rire éclate à leurs fenêtres, si proches maintenant l’une de l’autre, alors qu’on les croyait jusqu’à lors éloignées de la largeur d’une rue…

Elle est là, vivante, souriante, enchantante.

20h35

Il fait nuit, une de ces nuits lumineuses, éclairée par la lune, unique, une seule pour tout le monde, qui ne se partage pas, qui se donne par quartier à tous en même temps, ou alors à personne, une clarté si claire qu’elle éclaire le ciel et voile les étoiles, la lune commune à toute l’humanité…

Il l’a regarde et elle lui rend son regard.

20h40

Deux fenêtres restent ouvertes dans la rue, l’une en face de l’autre, semblant éteintes au milieu des autres toutes allumées, mais ce sont deux fenêtres qui palpitent, deux cœurs qui se sont trouvés, deux êtres qui sont l’avenir du monde…


avril 2020

Haïku du Covid

ENTRE …

Entre mars et mai
Avril se loge et s’ébroue
Printemps du covid

Entre toi et moi
Neige froide ou chaud soleil
Restera l’amour

Entre ! Pour toi ouverte
Jamais ne ferme de porte
L’espoir l’entrebâille

Entre poissons d’enfants
Et la porte, se glissa
Printemps revenu

Entre ! Premier d’avril
Avec toi, se réveiller
Plaisir à venir

Vertu Versus Virus

Il était plus d’une fois, deux enfants de bon aloi.
Ils étaient pauvres, mais de bonne foi, riaient de tout, même de la loi.
Singulière réflexion qui m’étonne de toi,
Ami poète, ne le sais-tu,
Pauvres et rires sont compatibles,
Bien mieux que riches et rires…
Ces deux enfants, garçon et fille, vivaient de l’air du temps, devenu irrespirable depuis que la planète était passé en mode de réchauffement automatique, mais ils s’en moquaient bien, étant programmés pour ne pas vivre plus de 100 ans.
De plus, ils n’avaient pas du tout envie de faire des enfants, qui peupleraient la terre de peupliers ou de conifères, qu’ils couperaient à coups de tronçonneuses…
Un jour, au fin fond de la Chine, muta un virus comme on en connait tant, vif et alerte comme son géniteur, le pangolin, savait l’être.
Les chinois vivaient avec ces deux engeances depuis des milliers d’années, en bonne intelligence, chacun des trois, chinois, virus et pangolins respectant la vie de l’autre.
Un jour pourtant, les tronçonneuses prirent le pouvoir, sans que les deux enfants ne s’en rendissent compte… ils ne faisaient pas attention à ce qui se passait en dehors de leur petite ville, Mulhouse, au sud de l’Alsace, défavorisée touristiquement parlant, devant ses rivales, Strasbourg et Colmar, pour ne pas citer Riquewihr, Ribeauvillé ou Kaysersberg, mais peu importe, ils ne faisaient pas attention, c’est tout.
D’ailleurs, l’auraient-ils fait que cela n’aurait rien changé à cette histoire.
De l’autre coté de la Terre, les tronçonneuses, sans aucune vertu, s’en donnaient à cœur joie, au Brésil, en Indonésie, en Thaïlande, et personne, ne savait comment les arrêter, la police se faisant découper sur place si elle se rapprochait d’elles, n’ayant aucune autorisation de tirer…
Alors tout le monde laissait faire, surtout que ça rapportait gros !
Le teck, le garapa,ou le muiracatiara étaient exploités jusqu’à la moindre radicelle, leurs essences valant mille fois la notre, même le 95 E10, pourtant la plus rentable…
Et ce qui devait arriver arriva ! Plus de forêt, plus de bois à couper, les tronçonneuses avaient tout rati-boisé et la vertu avait perdu la partie par KO absolu.
Allaient-elles, elles, les tronçonneuses, s’attaquer aux femmes ? Ce serait un massacre !
Le lendemain, le pangolin se réveilla.
Plus rien à manger. Plus d’ombre dans la forêt. Plus de grande fête vaudou le samedi soir.
Il téléphona aux deux enfants de Mulhouse, personne.
Il laissa un message, pas de rappel.
Écrivit un email, pas de retour.
Les enfants, apprit-il plus tard, avaient un casque sur les oreilles, un joystick entre les mains et un casque d’imagerie virtuelle devant les yeux.
Bref, ils étaient coupés du monde, dans leur bulle artificielle, ne faisant pas attention à ce qui se passait autour d’eux, c’était d’ailleurs sans importance, puisque étant totalement pris en charge par la société, qui en avaient fait des assistés, qui n’avaient rien à faire, sinon attendre la fin du mois, pour toucher ce qui était devenu un droit, sans contrepartie d’un devoir.
Comment faire pour les prévenir ? Ils étaient tellement absorbés par les jeux qui se succédaient sans interruption qu’ils étaient injoignables.
Le pangolin prit les grands moyens, il décida de confiner le monde !
Il libéra un virus qu’il avait en stock…
Il fallut quatorze jours aux deux enfants pour se rendre compte que leur environnement avait changé : le virus avait envahi l’Europe, avait franchi le Rhin, sans s’arrêter à la frontière, sonnaient à la porte de tous et de chacun, il était temps qu’ils se réveillent.
Branle bas de combat ! Déclaration de guerre ! Feu sans sommation !
Les enfants sortirent de leur léthargie et appelèrent le pangolin qui expliqua la situation.
Personne de s’occupait de personne, chacun pour soi et tout pour moi, le cercle vertueux était moribond, remplacé par le cercle vicieux.
Le monde se figea, la terre s’arrêta de tourner, le soleil ne vit plus les femmes dogons, elles si solaires, et les baobabs n’avaient qu’une crainte, celle de voir arriver les tronçonneuses…
Le lendemain, elles étaient là !
Avançant plus vite qu’un PDG, pardon qu’un TGV, elles entamèrent avec vigueur leur premier baobab en guise de petit déjeuner.
La bataille entre les tronçonneuses et le virus, avec la vertu comme arbitre, commença à Mopti, à l’intérieur de la Grande Mosquée, mais les règles du jeu n’étaient pas claires, dictées par le conflit entre les religions, le terrorisme, le prix du pétrole et la parité hommes/femmes au sein des Églises.
A quand la première Pape élue à Rome ?
La revanche eut lieu à Bamyan, au cœur de l’Afghanistan, là où, pensaient les belligérants, les deux Bouddhas taillés dans la roche de la falaise, pourraient se prononcer en toute sagesse. La vertu, même légère et toute petite, comprit plus vite que le virus, qui cherche encore les statues foudroyées par les talibans, que la victoire de cette deuxième manche se jouerait à Band-i- Amir, dans les lacs ressemblants à ceux de Pamukkale, en dix fois plus beaux, car inaccessibles aux hordes de touristes occidentaux…
L’homme, cette créature, si noble et si polissonne, cet individu, si angélique et si satanique, l’homme disais-je, fit appel aux femmes et intervint au moment où on le croyait perdu à tout jamais. Il s’enveloppa de vertu…
Dans le restaurant tournant au sommet de la grande tour de Mulhouse, les hommes représentés par les deux enfants, l’animal représenté par le pangolin, et le végétal, représenté par un baobab, décrétèrent la mobilisation générale contre les deux entités, virus dévastateurs et tronçonneuses dévastatrices.
Vous dire ce qui se passa est chose impossible, car le traité signé entre les trois parties ne le mentionnait pas. Il tenait en trois lignes :
Les habitants de la planète déclaraient la paix universelle, la fraternité solidaire et la répartition des richesses en fonction des capacités de chacun, pour que tous trouvent leur place dans ce monde, y compris les règnes animal et végétal.
Les poètes avaient pris le pouvoir et ne le lâchèrent plus, jusqu’au jour où un accident de la circulation stellaire précipita le soleil et ses planètes dans un trou noir, qui se promenait un dimanche après-midi dans les rues alsaciennes, ayant comparé avec assiduité les vertus du Gewurztraminer et celles du Sylvaner !
Le soleil était arrivé en fin de vie, la Terre aussi, la vertu avait gagné, les poètes aussi…
Ceci n’est qu’utopie…


26 mars 2020

 

 

Corona rue

Était-ce permis ou défendu ?
Pour prendre l’air, suis descendu,
Dire bonjour à ceux d’ma rue,
Vide et déserte, mais je t’ai vu !

Tu marchais les yeux au ciel,
Du même bleu, ciel ou tes yeux,
Et j’y noyais, reflet de miel,
Mes yeux perdus, les bienheureux…

Ton pas alerte ralentissait
Le mien, figé, ne bougeait plus,
Un dernier mètre nous séparait,
Mais nous étions deux inconnus.

Ni toi, ni moi, de ce regard,
Nous ne pouvions nous détacher,
Un coup de vent, avec égard,
A emporté tous nos baisers…


19 mars 2020

Si applaudir

Si applaudir, c’est remercier de tant guérir,
Si taper dans les mains, c’est être là demain,
Si les cloches tintinnabulent pour nous voir sourire,
Si les uns et les autres se donnent un coup de main,
Si nous sommes prêts, malgré l’abri de nos carreaux,
S’il suffit d’ouvrir la fenêtre pour revivre,
Si aimer les autres, c’est échanger deux regards,

Alors,
                              APPLAUDISSONS
                        TAPONS
                              TINTINNABULONS
                        DONNONS
                               SOYONS
                        OUVRONS
                               AIMONS

30 mars 2020